Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
 Haiti-Refondation.org

HAITI : "CONSULTATIONS" VERSUS "NEGOCIATIONS"

12 Novembre 2014, 09:55am

Publié par haiti-refondation-org

Par Marvel Dandin
Les consultations se poursuivent. Entre-temps, le temps ne s’arrête pas. On s’achemine inexorablement vers le 12 janvier 2015. Date qu’attend sereinement le chef de l’Etat « pour appliquer » l’article 136 de la Constitution. Il l’a dit haut et fort en Europe : il n’attend que cette date pour mettre ledit article en application. Comme si l’article ne devait correspondre qu’aux situations spéciales. Quelle est donc la mission du chef de l’Etat si les situations ne deviennent jamais spéciales ? S’il n’attend que le moment d’appliquer l’article 136, à quoi servent alors les consultations ? Ceux qui y participent ont-ils conscience de s’être laissés pris au piège de « l’artiste-président », à savoir tourner en rond jusqu’au 12 janvier 2015 ? Car, le premier ministre Laurent Lamothe et son porte-parole Michel Pierre Brunache n’ont pas encore fait retrait de leur déclaration solennelle selon laquelle le pays continuera à être « sereinement dirigé par le chef de l’Etat » après le 12 janvier 2015.
Ironie de l’histoire, celui qui s’apprête à appliquer l’article 136 de la Constitution à partir du 12 janvier 2015 pour faire face au « vide institutionnel » est celui-là même qui devait s’en servir pendant ces 3 dernières années pour éviter qu’on arrive à cette triste et dangereuse situation. Pourtant, il y a une communauté internationale qui l’a appuyé dans cette dérive pendant les 3 ans et qui le soutient encore aujourd’hui, malgré le risque d’explosion de la « bombe sociale ». C’est à n’y rien comprendre !
MAESTRO-SOLO
Le terme de « consultations » au lieu de celui de « négociations », traduit éloquemment le manque de volonté du pouvoir et de ses tuteurs étrangers, en faveur de la recherche d’un compromis. Or, vu l’état actuel des choses, pourquoi le chef de l’Etat, appuyé par « sa » communauté internationale, s’obstine-t-il à vouloir décider seul de la solution ? Car, en engageant des consultations et non des négociations, il entend se réserver toutes les cartes en promettant de réaliser « souverainement » une synthèse des propositions après le 18 novembre, selon ses porte-parole.
C’est donc M. Martelly qui décidera de l’issue de la crise. Lui, tout seul. Après les consultations. Drôle de manière de réaliser la démocratie. Ou signe non équivoque d’une tendance nettement dictatoriale. Tout le monde doit donc venir « proposer » au maitre qui se retirera ensuite pour délibérer. Quelle histoire !
On voit bien que Martelly n’a rien perdu de son statut de Maestro-Propriétaire unique et tout-puissant du groupe « Sweet Micky ». Sauf qu’Haïti est loin de ne comporter que des mélomanes et des fans du Compas direct. Et même, pour ces derniers et encore bon nombre de compatriotes, ceux qui croient pouvoir les faire « chanter » peuvent bien « déchanter » un beau jour. Nul ne peut prévoir ce qui va bientôt se passer si le marasme politique actuel perdure.
LES « IRRITANTS »
Tout en se disant ouvert à des discussions, le chef de l’Etat ne rate pas une occasion de rendre l’opposition responsable de l’impasse actuelle. Ses propos parfois virulents à son endroit ne laissent apparaitre aucune volonté de l’accueillir pour la recherche commune d’une issue.
Sans doute, le groupe des 6 partis politiques s’expose déjà à de sévères critiques concernant son « refus » de rencontrer le chef de l’Etat le mercredi 12 novembre. Mais, devrait-il ne pas tenir compte de l’affirmation faite par M. Martelly en Europe concernant l’article 136 ?
Mais, il y a plus.
Les déclarations sur l’article 136 et l’entêtement des « consultations » constituent des facteurs alimentant la méfiance de l’opposition et de tous les gens sensés.
Les arrestations de militants politiques, la répression des manifestations de l’opposition et le communiqué du Ministre de la justice Jean Renel Sanon dénonçant des projets machiavéliques de celle-ci, constituent des facteurs supplémentaires de méfiance.
Depuis l’accord d’El Rancho, il était question de procéder à la libération des frères Florestal. La libération de deux autres militants politiques était également réclamée comme signe d’apaisement et de bonne volonté.
Le 17 octobre 2014, plus d’une dizaine de militants politiques sont arrêtés à Port-au-Prince sans que leur implication dans des actes répréhensibles lors de la manifestation du jour ait été clairement établie.
Le 26 octobre 2014, les militants Rony Timothée et Biron Odigé du FOPARK sont à leur tour appréhendés en pleine manifestation.
Les dossiers des prévenus du 17 octobre ainsi que ceux du 26 octobre sont tous remis à un magistrat sur qui planent plus que des soupçons de connivence avec le pouvoir. Qui pis est, ce magistrat s’arroge le droit de refuser d’entendre les dirigeants du FOPARK et de les renvoyer en prison au prétexte qu’il est en conflit avec leurs avocats. Peut-il décider de qui peut les défendre ? Ne serait-il pas plus indiqué qu’il se dessaisisse du dossier ? Mais, non. Et alors ? Ne les entendra-t-il jamais si, de leur côté, les avocats en question continuent, per fas et nefas, à assurer leur défense ?
Les contestations qui fusent de partout concernant les membres des BEC représentent un autre facteur de méfiance par rapport à la machine électorale mise en place par un CEP dans lequel le gouvernement compte, sur 9 membres, pas moins de 6 affidés.
Il y a aussi, et déjà, la mise en place parfaite du dispositif des juges de paix, des commissaires du gouvernement et de la police, pour "réglementer les éventuelles fraudes électorales".
FACE A FACE DES ACTEURS
En proposant les négociations, les 6 partis veulent tout simplement dire non à ce cirque des allées et venues au Palais national. Ils invitent donc au raccourci constituant à mettre les véritables protagonistes de la crise face à face. On gaspille en effet le temps en faisant défiler les représentants de tous les secteurs par-devant « le souverain président » alors qu’il serait plus profitable qu’il négocie avec ceux qui, du parlement et de la classe politique, lui ont tenu tête jusqu’ici.
Au-delà des exigences de l’opposition pour que des négociations soient engagées sur divers aspects de la crise, il y a tout simplement les intérêts du pays qui sont en jeu, si l’on doit tenir compte des troubles pouvant encore résulter d’élections frauduleuses organisées dans le pays. Une négociation débouchant sur un compromis et la mise en place d’un appareil électoral inspirant confiance, tels devraient être, pour le moins, les objectifs de tous ceux, nationaux comme étrangers, qui prétendent vouloir promouvoir la stabilité et la démocratie.
Si, comme le répètent MM. Martelly et Lamothe assistés de leurs supporters du Core Group, l’objectif est la stabilité et la démocratie, pourquoi refusent-ils jusqu’à présent la voie de la négociation directe avec leurs vis-à-vis du parlement et de la classe politique ? Pourquoi n’envoient-ils pas des signaux clairs de bonne volonté en mettant une fois pour toutes un terme à la répression des manifestations politiques, aux arrestations d’opposants et à l’assujettissement du pouvoir judiciaire et de la police ?
Marvel Dandin
Commenter cet article