Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
 Haiti-Refondation.org

HOLLANDE : ENTRE « RÉPARATIONS LIÉES À L'ESCLAVAGE » ET « RESTITUTION DE LA RANÇON D'INDÉPENDANCE »

, 18:30pm

Publié par haiti-refondation-org

Le président François Hollande le samedi 9 Mai 2015 au Sommet Climat de la Caraïbe

Le président François Hollande le samedi 9 Mai 2015 au Sommet Climat de la Caraïbe

Les réparations liées à l'esclavage et la restitution de la « rançon » d'indépendance sont deux choses distinctes. Si dans le premier cas, l'on peut comprendre qu'il est difficile d'évaluer le montant de l'indemnisation (dommages et intérêts) due aux descendants des victimes de l'esclavage, (argument de l' État français), le problème ne se pose pas dans le second cas. Les chiffres sont connus de tout le monde. Et M. Hollande connaît le montant. Il l'a mentionné dans son discours. Il s'agit de l'extorsion, au préjudice de la jeune République d’Haïti, d’une somme de 150 millions de francs-or ramenée à 90 millions en 1838, soit l'équivalent de 17 milliards d'euros. Cette dette est matérielle et chiffrable et non exclusivement « morale ».
La Rédaction - Haiti-Refondation-Org

 

Discours de M. Hollande concernant la restitution de la  « rançon de l’Indépendance »

« A-t-on suffisamment souligné que quand l’abolition fut acquise, la question de l’indemnisation prit des proportions et surtout une orientation particulièrement surprenante, puisqu’elle était réclamée à cor et à cri non pas par les anciens esclaves, mais par les anciens maîtres qui exigeaient d’être dédommagés pour la perte de la force de travail qu’ils avaient comptabilisée dans leurs écritures comme la valeur de leur cheptel. C’est sous la monarchie, Charles X, 1825, qui réclama même à la jeune République d’Haïti une indemnisation d’État de 150 millions de francs or, afin d’indemniser les anciens colons. »
« Même si je n’ai pas commencé mon mandat au moment de Charles X, j’en suis quand même responsable au nom de la France. Certains ont appelé cette exigence la rançon de l’indépendance. Eh bien, quand je viendrai en Haïti, j’acquitterai à mon tour la dette que nous avons ».

VIDÉO. QUAND HOLLANDE ANNONCE QUE LA FRANCE S'ACQUITTERA DE SA "DETTE" ENVERS HAÏTI

HOLLANDE À PORT-AU-PRINCE, ENTRE « DETTE MORALE » ET «DETTE TOUT COURT»
 Le président français, François Hollande, est attendu ce 12 mai, pour une visite officielle de quelques heures à Port-au-Prince, où il est précédé de ses déclarations du 10 mai en Guadeloupe concernant la brulante question de la dette de la France vis-à-vis d’Haïti, qui suscite des réactions diverses.
Haïti est la dernière étape d’une tournée caribéenne, du chef d’État français, qui aura notamment à se recueillir au pied de la statue de Toussaint Louverture, précurseur de l’indépendance d’Haïti de la France colonisatrice.
Signature d’accords de coopération et visite de chantiers où l’aide française est en œuvre constituent d’autres points forts de cette visite qui ne laisse nullement indifférents les Haïtiens de toutes les catégories sociales.
Plus que tout autre thème, c’est la question de la rançon de 150 millions de franc or payés par Haïti à la France pour la reconnaissance de son indépendance qui retient l’attention, observe AlterPresse.
Dette morale ou dette tout court
Le professeur Pierre Buteau, ancien ministre de l’éducation nationale et membre de la Société haïtienne d’histoire et de géographie, penche en faveur de la reconnaissance publique des crimes du passé.
« Parce que l’esclavage, le colonialisme, le racisme et tout ce que cela a entrainé, ce sont des moments d’histoire tragique, Il n’y a pas de réparation pour cette histoire », soutient-il dans une interview à AlterPresse. Il prône la reformulation des relations entre les deux pays sur de nouvelles bases.
Le professeur Buteau met en avant la dignité et estime que la dette ne devrait pas être abordée en terme « d’acquittement matériel », mais plutôt comme la « reconnaissance publique d’une faute inadmissible ».
Ce n’est pas l’avis du vice-recteur aux affaires académiques de l’Université d’État d’Haïti (Ueh), Fritz Deshommes, qui pense que « la dette en question n’est pas une dette morale. Mais, c’est une dette qui a été payé à la sueur et le sang du peuple haïtien à travers l’exportation de café ».
« On a pris plus d’un siècle pour payer cette dette », précise-t-il à AlterPresse.
Pour lui, le geste le plus moral du président français serait de s’engager à restituer l’argent payé par Haïti pour la reconnaissance de son indépendance, en attendant les réparations coloniales qui sont exigées dans le cadre de la Communauté de la Caraïbe (CARICOM).
Scepticisme et espoir
Des milieux associatifs, contactés par AlterPresse, affichent un certain scepticisme par rapport au déplacement du président français en Haïti et disent ne nourrir aucun espoir, d’autres sont plus nuancés, tandis que certains secteurs économiques misent beaucoup dur cette visite.
Le dirigeant paysan Osnel Jean Baptiste estime que « Hollande n’apportera rien de bon » en ce qui a trait aux intérêts de la paysannerie.
Le syndicaliste enseignant Josué Mérilien s’interroge sur les formes que pourrait prendre à l’avenir la coopération entre la France et Haïti. L’aide française pourrait servir à construire beaucoup plus d’écoles, former beaucoup plus d’enseignants et faciliter des bourses d’études pour les jeunes, pense-t-il.
La dirigeante féministe Marie Frantz Joachim plaide en faveur de la reconnaissance spécifique des torts faits aux femmes durant la période coloniale.
Elle souhaite, par ailleurs, que dans les accords à signer ce 12 mai à Port-au-Prince, la formation professionnelle des femmes soit prise en compte.
Pierre-Émile Rouzier, ancien président de la Chambre franco-haïtienne de commerce, interprète la venue de Hollande en Haïti comme un « excellent signal ». Dans une interview à la station privée Radio Kiskeya, il estime que le pays caribéen devrait profiter du savoir-faire des Français en matière de tourisme.
Des intellectuels, dont des écrivains comme Louis-Philippe Dalembert et Yannick Lahens, croient que le président Hollande peut faire de son discours de Port-au-Prince un point de départ pour un renforcement de la coopération dans des domaines plus que stratégiques pour Haïti comme pour la France.
C’est la deuxième fois qu’Haïti accueille va accueillir un chef d’Etat français, depuis l’indépendance du pays le 1er janvier 1804. L’ancien président Nicolas Sarkozy avait fait le premier pas au lendemain du terrible séisme du 12 janvier 2010 qui avait ravagé le pays.

Hollande annonce que la France s'acquittera de sa "dette" envers Haïti

La France, ancienne puissance coloniale, avait exigé de son ancienne colonie une dédommagement équivalent à 17 milliards d'euros contre son afranchissement.
Quand je viendrai en Haïti [mardi 12 mai], j'acquitterai à mon tour la dette que nous avons." Cette déclaration faite par François Hollande, dimanche 10 mai, à Pointe-à-Pitre (Guadeloupe), lors de son discours d'inauguration du Mémorial ACTe consacré à l'esclavage, a été saluée par des applaudissements. Et elle a immédiatement suscité beaucoup d'espoirs. Mais ils risquent d'être déçus.
Une "rançon d'indépendance" de 17 milliards d'euros
Comme l'explique Geopolis, lors de l'indépendance d'Haïti en 1804, la France a imposé à son ancienne colonie une compensation financière de 150 millions de francs-or, l’équivalent d’une année de revenus de l'ex-colonie. Cette somme colossale a été ramenée à 90 millions de francs-or en 1838, soit l'équivalent de 17 milliards d'euros. Et les Haïtiens ont fini de la payer en 1883.
Lorsqu'en 2010, Nicolas Sarkozy a été le premier chef d’Etat français à visiter l'île depuis l’indépendance, cette "rançon d'indépendance" lui a été rappelée. Et des intellectuels l'avait alors appelé à la rembourser. Il s'y était opposé.
Une "dette morale"
François Hollande confirme cette position de la France et reste ferme sur son refus d'une indemnisation financière. La "seule dette qui doit être réglée" aux descendants d'esclaves est de "faire avancer l'humanité", a-t-il déclaré. Son entourage a précisé qu'il s'agissait bien d'une "dette morale".
UN HUMOUR NOIR : HOLLANDE, HAÏTI ET LES RÉPARATIONS

Par Eric Fassin

À quoi joue François Hollande ? Pour refuser les réparations, il continue de juger l’esclavage « irréparable ». Pourtant, à Pointe-à-Pitre, il se fait applaudir en déclarant : « quand je viendrai en Haïti, j’acquitterai la dette que nous avons ». Mais son entourage précise aussitôt « qu’il s’agissait d’une "dette morale" ». Le verbe présidentiel, ce n’est pas « pour de vrai ». L’humour noir de François Hollande est une parole blanche.
_________________________________________
Le 10 mai 2015, à l’occasion de la journée nationale de commémoration de la traite et de l'abolition de l'esclavage, le Président de la République inaugure le Mémorial ACTe en Guadeloupe. Il n’hésite pourtant pas à évoquer le présent : « de nouveaux négriers monnaient des cargaisons humaines. En Méditerranée, des passeurs criminels remplissent des bateaux d’êtres humains. » Christiane Taubira tente de corriger : l’esclavage qu’on commémore, c’était un système d’État « codifié et régulé ». Et de s’agacer : « on doit combattre l’esclavage aujourd’hui, mais la confusion est mauvaise conseillère, et en plus elle est l’apanage des imbéciles ». Mais n’est-ce pas, pour la Garde des Sceaux comme pour le Président de la République, une manière d’éviter de reconnaître la responsabilité de l’Union européenne, et donc des États actuels ? Car « l’Europe forteresse » est la première responsable des morts en Méditerranée.

Quant à l’héritage de l’histoire, on sait François Hollande opposé aux réparations financières ; il leur préfère les gestes symboliques – moins coûteux. Deux ans plus tôt, le 10 mai 2013, n’a-t-il pas parlé d’« impossible réparation » ? C’était une fin de non recevoir adressée au Conseil représentatif des associations noires (CRAN). Il ajoute aujourd’hui : « Le seul choix possible, le plus digne, le plus grand, c’est la mémoire, la vigilance et la transmission ». Toutefois, l’argument laisse perplexe : à n’en pas douter, la Shoah est irréparable ; pourtant, l’Allemagne pourrait-elle s’exempter de toute réparation ? François Hollande n’en répète pas moins sa formule : « j’ai repris à mon compte il y a déjà longtemps les mots d’Aimé Césaire quant à la nature irréparable du crime. » Pourtant, en 2013, Louis-Georges Tin, président du CRAN, ne mâchait pas ses mots : « François Hollande trahit l’esprit même du texte d’Aimé Césaire car ce texte est favorable aux réparations. Ce n’est pas très honnête. »

Que disait exactement cette grande figure martiniquaise, dans l’entretien accordé en 2005 à Françoise Vergès ? « Ce serait trop facile : “Alors toi, tu as été esclave pendant tant d’années, il y a longtemps, donc on multiplie par tant : voici ta réparation.” Et puis ce serait terminé. Pour moi, l’action ne sera jamais terminée. C’est irréparable. » C’est donc, effectivement, tout le contraire de la lecture de François Hollande. Césaire continue en effet : « Je connais suffisamment les Occidentaux : “Alors, mon cher, combien ? Je t’en donne la moitié pour payer la traite. D’accord ? Tope là.” Puis c’est fini : ils ont réparé. Or, selon moi, c’est tout à fait irréparable. » Sans doute le poète refuse-t-il de jouer les mendiants ; il n’en conclut pas moins : « Je crois que l’Afrique a droit moralement à une réparation. » Le droit moral à une réparation devient, pour François Hollande, le droit à une réparation… (purement) « morale » !

Or en Guadeloupe, la question est toujours d’actualité. Le syndicaliste Élie Domota s’indigne qu’on refuse aux « victimes » les réparations qu’on a accordées aux « bourreaux » en 1848 et dont vivent encore leurs descendants. Autant dire : « la colonisation était une bonne chose, l’esclavage était une bonne chose » ! Car en réalité, quand les responsables français disent « qu’ils sont opposés à la réparation, c’est qu’ils considèrent que la citoyenneté française, c’est la réparation. C’est comme si vous venez chez quelqu’un, vous tuez la famille, vous violez la petite fille, et quelques années après vous lui faites deux enfants, vous vous mariez avec elle et vous considérez que le problème est réglé parce que vous lui donnez votre nom! » Le président campe pourtant sur ses positions : « la seule dette qui doit être réglée, c’est de pouvoir faire avancer l’humanité. »

Toutefois, à Pointe-à-Pitre, il fait aussi une déclaration solennelle concernant Haïti. Le président commence par rappeler l’histoire. « A-t-on suffisamment souligné que quand l’abolition fut acquise, la question de l’indemnisation prit des proportions et surtout une orientation particulièrement surprenante, puisqu’elle était réclamée à cor et à cri non pas par les anciens esclaves, mais par les anciens maîtres qui exigeaient d’être dédommagés pour la perte de la force de travail qu’ils avaient comptabilisée dans leurs écritures comme la valeur de leur cheptel. C’est sous la monarchie, Charles X, 1825, qui réclama même à la jeune République d’Haïti une indemnisation d’État de 150 millions de francs or, afin d’indemniser les anciens colons. »

Effectivement, Haïti s’est ruinée à payer pendant plus d’un siècle (jusqu’en 1952 !) l’équivalent de 17 milliards d’euros à la France. Le reconnaître en 2015, c’est faire écho à Nicolas Sarkozy qui déclarait en 2010, pour la première visite d’un chef d’État français en Haïti depuis l’indépendance en 1804 : « Même si je n’ai pas commencé mon mandat au moment de Charles X, j’en suis quand même responsable au nom de la France. » Mais l’actuel président semble aller beaucoup plus loin que la simple allusion de son prédécesseur : « Certains ont appelé cette exigence la rançon de l’indépendance. Eh bien, quand je viendrai en Haïti, j’acquitterai à mon tour la dette que nous avons ».

En Guadeloupe et dans le monde entier, les applaudissements sont nourris. L’information est aussitôt reprise : par exemple, sur le site de France TV Info ; ou bien sur celui de Jeune Afrique. Mais une dépêche vient doucher les enthousiasmes : « Son entourage a précisé à l'AFP qu’il s’agissait bien d’une ‘dette morale’ ». Autrement dit, c’était pour rire. Les Haïtiens seront payés… en monnaie de singe ! Autant dire qu’ils comptent pour du beurre. Car si le gouvernement grec s’avisait aujourd’hui de déclarer : « j’acquitterai ma dette », pour faire préciser ensuite par des conseillers : « dette morale, bien sûr », que n’entendrait-on ?

Il y a les dettes qu’on honore, et celles qu’on se contente d’acquitter « moralement ». C’est sans doute ainsi qu’il faut comprendre le refus de prendre en compte, à l’inverse, la dette allemande à l’égard de la Grèce. Dans le rapport de domination, les puissants ne doivent jamais rien à personne ; il n’est de dette que des dominés. Mais il y a plus. Ce que suggère François Hollande, en promettant pour aussitôt démentir, en prenant un engagement pour s’en dégager immédiatement, c’est aussi que la parole de l’État est démonétisée. C’est lui-même qui le dit : il ne faut pas le prendre au sérieux. D’ailleurs, il dit bien « ma », et non pas « notre » dette. Le verbe présidentiel, ce n’est pas « pour de vrai » : cela n’engage que lui. Ou plutôt que ceux qui y croient. L’humour noir de François Hollande est une parole blanche.