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 Haiti-Refondation.org

DEVOIR DE MÉMOIRE - 17 Décembre 2001 : Le Cyclone Lavalas balayait le pays d'Haïti

17 Décembre 2016, 11:00am

Publié par haiti-refondation-org

Lundi 17 DÉCEMBRE 2001....

3 h am - Un "flash" est diffusé par les radios (Radio Caraïbes) annonçant la nouvelle que le Palais National est attaqué par un commando.
Vers 6 h am, Jacques Maurice, membre du bureau de presse de la Présidence fait les premières déclarations: Il y a une tentative de "Coup d'Etat" et 80 hommes lourdement armés se sont introduits dans le Palais National. A partir de conversations entendues sur les walkies-talkies dont ils auraient dépouillés les policiers du Palais, ces hommes qui parlent espagnol, anglais et créole, révèlent avoir à leur tête Guy Philippe, un des commissaires de police réfugiés en République Dominicaine.

La peur et la terreur s'abattent sur la capitale Port-au-Prince et sur plusieurs autres villes du pays. : attaque contre les locaux de la Presse, des partis politiques, des syndicats, contre leurs dirigeants et contre les centres culturels. Pillages, incendies, meurtres, disparitions… "

 

DEVOIR DE MÉMOIRE - 17 Décembre 2001 : Le Cyclone Lavalas balayait le pays d'Haïti

Selon Yvon Neptune, sénateur au moment des faits : " Le peuple a identifié ses ennemis

Yvon Neptune

Yvon Neptune

Mais déjà, le dimanche 16 décembre, date de l'anniversaire de l'élection de Jean-Bertrand Aristide, le Président, après avoir célébré les "victoires électorales" de l'année 2000, s'adresse à l'assistance sur le thème du "patriotisme" en insistant sur le slogan qu'il lui fait répéter plusieurs fois: «Yon lavalas se yon patryòt, yon lavalasyen se yon patriyòt, yon bon lavalasyen se yon bon patriòt. » Plus d'uns se demandaient ce que cachaient de tels slogans.

En début de soirée, la tension est déjà manifeste; des rumeurs circulent et des opérations de blocage des rues sont rapportées dans certains quartiers de la capitale et des villes de province.

I - Annonce d’un supposé coup d'État


Selon informations recueillies par AP, Jacques Maurice fait également mention d'une attaque simultanée contre le pénitencier national et, toujours selon lui, l'un des auteurs intellectuels du coup serait Lucien Gervais, (ancien militaire ?) emprisonné au pénitencier national lors du soulèvement des détenus et depuis lors transféré dans un autre centre de détention. Lucien Gervais aurait à sa solde des mercenaires dominicains réunis à la frontière, prêts à intervenir. Lors de cette intervention, Jacques Maurice précise que le Président Aristide et sa famille sont en sûreté dans leur résidence de Tabarre.
Au cours de ces premières heures les radios diffusent largement les déclarations, nouvelles, et premières réactions. Des journalistes se trouvent au Champs de Mars, devant le Palais et rendent compte en direct, de l'évolution de la situation. Radio Haiti-Inter annonce à 9.00am que «7 hommes se trouvent embusqués dans les sous-sols du Palais». Des appels à la violence et à la chasse aux «responsables» du coup sont lancés par le porte-parole, René Civil et des groupes Lavalassiens aux cris de «Bare-yo anwo, Bare-yo anba !»

René Civil

René Civil

Quelques heures plus tard, Jean Oriel, responsable de l'unité de sécurité présidentielle, répond aux questions de la Presse et annonce que les assaillants ont pris la fuite à bord de deux pick-ups. Les unités d'élite de la PNH ont repris le contrôle du Palais. Les affrontements ont fait un mort dansle camp des assaillants et deux morts parmi les policiers.
Vers midi, le ministre de la Culture et de la Communication, Guy Paul, intervenant sur les ondes de la Radio nationale annonçait que le président avait le contrôle du Palais, marquant ainsi la fin du coup d'État. Il fait appel au calme et condamne les actes de violence enregistrés dans le pays.

Dans l'après-midi, le porte-parole de la PNH, Jean Dady Siméon, dans un point de presse au Palais National confirme la tentative de "coup d'état" par des assaillants au nombre de 30 et que le bilan de l'attaque repoussée s'élève à 5 morts, dont deux policiers, un assaillant et deux simples citoyens. Il fait aussi mention de la capture de l'un des assaillants du côté de Morne à Cabris.

Jean Dady Siméon

Jean Dady Siméon

Le Président intervient également au cours de cette longue conférence de presse pour condamner le coup d'État, «Pwazon demokrasi a se zam Kou Deta sa yo», réprouver la violence «Kelkeswa vyolans lan, nou kondane l». Par ailleurs, il confirme qu'il existe une relation entre les événements du 28 juillet et ce qui vient de se passer en affirmant : «Evenman 16-17 desanm 2001 yo konektab avèk evenman 28 Jiyè k sot pase yo. … Nou genyen dè prev ki montre yo konektab» et le peuple doit être loué d'avoir sû agir en conséquence.
 

DEVOIR DE MÉMOIRE - 17 Décembre 2001 : Le Cyclone Lavalas balayait le pays d'Haïti

" Lè 28 Jiyè te rive, te gen plis konfizyon ke te fè yon seri moun doute, èske se vre, èske se pa vre. E nou rété gade akoz de konfizyon, yo te beaucoup plus timides que cette fois-ci. Yè, manifestasyon pèp la kale pou l defann demokrasi a. Jodi a manifestasyon l pasifikman montre ankò yon fwa ki jan li konprann w'ol pou l jwe, pa non kwaze bra, chita tann apre pou lal nan mawon. Men, nan kanpe pasifikman pou l mété barikad lapè kote k nesesè, lè l nesesè san vyolans, nan respè dwa tout moun, nan dyalog..."
Le poison qui tue la démocratie, ce sont les armes de ces coups d'État. Il y a un lien entre les évènements du 17 décembre et ceux du 28 juillet. Mais le 29 juillet, il y avait beaucoup de confusion, les gens étaient dans le doute, est-ce que c'est vrai,?: est-ce que c'est pas vrai ? A cause de cette confusion, les gens sont restés à regarder, ils étaient beaucoup plus timides que cette fois ci. (…) Hier, le peuple a manifesté sans hésiter pour défendre la démocratie (...) Aujourd'hui, ses manifestations ont montré pacifiquement le rôle que le peuple doit jouer, qu'il ne doit pas croiser les bras, s'asseoir, attendre, et finalement se lancer dans le marronage. Que son rôle est d'être debout, de monter des barricades de la paix là ou c'est nécessaire, quand c'est nécessaire, sans violence, dans le respect des droits de chacun, dans le dialogue (…) Immédiatement après la Conférence de Presse, le Chef de l’Etat adresse un «Message de Paix». Il commence par saluer la Police et tous les citoyens qui par leur détermination ont érigé les Barricades de la Paix et fait échec aux assassins de la démocratie.

DEVOIR DE MÉMOIRE - 17 Décembre 2001 : Le Cyclone Lavalas balayait le pays d'Haïti

«Onè respè pou nou memm!"….."M sot siyonnen yon bon pati nan Pòtoprens, mwen wè ak je m ki kantite barikad lapè nou mété pou anpeche teworis kouri sove e touye plis moun. Nou fè sa paske nou kwè nan peyi nou, Nou fè sa paske nou kwè nan demokrasi, Nou fè sa paske nou se bon jan pitit Dessalines, Toussaint Louverture ak zansèt nou yo, nou brav !" "drapo la pè a flote toupatou"…"Aswè a, m mande pou gen veye patriyotik toupatou pou pwoteje lapè a»...
... «Je viens de faire le tour de Port-au-Prince, j'ai pu voir le nombre de barricades de la Paix que vous avez érigées pour empêcher que les terroristes ne s'enfuient et ne continuent à tuer plus de gens. Vous avez fait cela parce que vous croyez en votre pays, en la démocratie, parce que vous êtes les fils de Dessalines, Toussaint Louverture de nos ancêres, vous êtes braves ! Le drapeau de la Paix flotte partout ! Ce soir je vous demande d'organiser une veillée patriotique, partout pour protéger la Paix».

«E nan moman sa a kote nou fyè lè nou wè bèl solidarite ki egziste ant Pèp la ak Polis la, nou ankouraje Pèp la kontinye bay la Polis la tout enfomasyon nou jwenn konsènan tout kriminèl k ap chèche kouri pou yo pa kenbe yo, pou yo pa pale…» … «Se yon Kou Deta nou ranvèse vit e se pou Kou Deta a pa retounen ankô ki fè m mande pou tout Popilasyon an kanpe pasifikman, defann demokrasi a pasifikman».
Au moment où nous parlons, nous sommes fiers de constater la belle solidarité qui existe entre le peuple et la police, et nous vous encourageons à continuer à fournir à la police toute information concernant tous les criminels qui tentent de s'enfuir pour ne pas être pris et avoir à parler… C'est un coup d'État que nous avons contrôlé rapidement et c'est pour éviter qu'il n'y en ait d'autres que nous demandons à toute la population de se mobiliser pacifiquement pour défendre la démocatie pacifiquement.
«Nap kontinye ini pou n pousuiv avek lalwa nan men nou anba drapo lapè a, tout criminèl teworis ki vle fè nou al nan mawon»
«Nous continuons d'être unis pour poursuivre avec la loi en mains, sous le drapeau de la paix, tous les criminels terroristes qui ont voulu nous acculer.

II. LES FAITS : L'attaque contre la Presse, les partis politiques, leurs dirigeants et les centres culturels


À partir des différentes déclarations des représentants de la Présidence, des groupes armées de partisans de Lafanmi Lavalas s'organisent à Port-au-Prince et dans les villes de provinces, attaquent , pillent et incendient les locaux des partis politiques, les résidences de certains de leurs dirigeants. Des stations de radio sont investies et menacées de destruction, des journalistes sont violemment pris à partie et certains n'échappent au pire que de justesse. Plusieurs personnes périssent victimes de ces actes de violence au cours de la journée.

En Province

Cap-Haïtien
- Le mobilier de la résidence du Pasteur Milton Chery, membre de la coordination de l'OPL dans le Nord, ex-candidat au Sénat, est jeté dans la rue et brûlé

- Eluscat Charles, porte-parole OPL dans le Nord a vu sa résidence pillée et incendiée ainsi que la maison voisine.
- La maison des frères Tanis, de la Convergence et celle de Jacques Etienne, critique connu de Lafanmi Lavalas, ont également été mises à sac.
- Un certain Célius, proche des FADH a failli être lynché, n'était-ce l'intervention de quel-ques passants et des affrontements ont eu lieu lorsque les manifestants lavalassiens ont tenté de s'attaquer à Grégory Joseph de la Convergence
- Le siège central de l'OPL dans le Nord est saccagé.
- Les assaillants ont tenté de mettre le feu à Radio Maxima mais ont dû renoncer devant la réaction des riverains qui se sont portés à la défense de la station.


Cayes
- La caisse de l'entreprise de construction que dirige Gabriel Fortuné, ex-député, porte-parole départemental de la Convergence, est pillée et 2 camions bascules incendiés.
- La résidence de Jean Robert Jeune, membre du comite de coordination départemental de l'OPL est partiellement saccagée.
- La maison de Wilfred Jean-Baptiste, membre du comite de coordination départemental de l'OPL est endommagée et pillée.
- La résidence de Kessel Cilius, membre de la Convergence est pillée.
- La résidence de Pierre Richard, membre de la Convergence est pillée.


Gonaïves
- La résidence du Pasteur Luc Mésadieu, président du Mochrena et membre du directoire de la Convergence démocratique est incendiée; 3 voitures sont brûlées; 2 personnes proches du pasteur sont tuées puis brûlées.
- La résidence du Pasteur Sylvio Dieudonné, vice-président de Mochrena est incendiée ainsi qu'une maison voisine. Une Eglise et une école dirigées par le Pasteur sont également incendiées.
- Le mobilier de la résidence de Anouès Difficile, membre de la Convergence démocratique, est incendié.
- Le correspondant de Radio Métropole dans l'Artibonite, Duc Jonathan Joseph est porté disparu.


Grande Rivière du Nord


- Le local de l'OPL est attaqué et saccagé.


Jacmel


- La résidence du porte-parole de la Convergence Démocratique dans le Sud-Est, Milot Gousse, a été attaquée avec jets de pierres.
Jérémie


- Lensky Cassamajor, représentant de l'OPL est sequestré, malmené et sauvé de justesse du lynchage.


- Local de la CATH (Centrale des travailleurs Haïtiens) incendié; beaucoup de membres de la Convergence ont dû prendre la fuite.


N.B - Participation de deux véhicules de l'Etat (Education Nationale et Finances).


Petit-Goave


- La maison de Jean Jasmin, enseignant, membre de la coordination locale de l'OPL, est incendiée, ainsi que celle de Déus Jean-François, MDN, ex-député, membre de la Convergence, responsable communal. Des affrontements ont eu lieu entre les groupes lavalassiens et les partisans de la Convergence. Au cours de la journée plus de 15 maisons ont été incendiées et 5 mises à sac. Les premiers rapports indiquent que: Yvon Jean, René Jean-Michel, Eligène Desrosiers, Jean Wilio Manéus, Dieusibon Jean, Yves Rigaud, Denise Osias, Inès Coicou, Genise Jean, Diréus Antoine, Prosper Jeanty, Montigène Sincère, Serge Bouzile, Wilbert Pierre, auraient ainsi, entièrement ou en partie, perdu leur résidence.


Thiotte
- Gabriel Davidson, membre dirigeant de l'OPL et une quinzaine de militants ont dû se mettre à couvert.


 

À la capitale, Port-au-Prince

La Presse

Au cours de la journée des journalistes, reporters, stations de radio sont l'objet de menaces, d'actes de violence qui obligent plusieurs représentants de la Presse à se mettre à couvert, certains, dans des ambassades. D'après Reporters Sans Frontières: «Le caractère systématique des agressions démontre que les manifestants avaient reçu des instructions pour s'en prendre à la presse».


Thony Bélizaire, photographe de l'Agence France Presse, Patrick Moussignac, Guérin Alexandre, Jean-Elie Moléus, respectivement directeur et reporters de Radio Caraïbes et Guyler Delva, président de l'Association des Journalistes Haïtiens, ainsi que des reporters de Telemax, ont été pris violemment à partie par des manifestants proches de Fanmi Lavalas armés de revolvers, de machettes, de bâtons. Ils ont obligés les journalistes à quitter les lieux sous la menace.
«Nous vous aurions abattu si vous étiez de Radio Caraïbe» ont déclaré des partisans du pouvoir à Maxo Exil, de l'agence Haïti Press Network, qu'ils menaçaient d'une arme.-


Roger Damas, de Radio Ibo, a été forcé de remettre sa carte de presse et son cellulaire aux manifestants qui assimilaient Radio Ibo à l'opposition.


Des journalistes de Radio Vision 2000 dont Pharès Duverné, Robert Philomé et Yves Clausel Alexis, alors qu'ils couvraient les évènements se déroulant au Palais National, ont été contraints de crier "Vive Aristide, Vive Lavalas" par des membres d'organisations populaires proches du pouvoir.


Selon Arins Bellevue, directeur de Radio Galaxie, leur confrère, Abel Descolines a dû se mettre à couvert après avoir reçu des menaces et avoir été informé que son nom et celui d'autres représentants de la presse se trouvaient sur une liste de journalistes à abattre. Un journaliste du RECAP, Gaston Janvier s'est trouvé dans la même situation.
Des reporters de Radio Métropole ont été agressés et mis en joue par des partisans du pouvoir qui se trouvaient à bord de véhicules appartenant à des entreprises de l'Etat. Les vitres de l'autobus de Radio Caraïbes ont été brisées par des manifestants pro-Lavalas. Plusieurs stations ont reçu des menaces de mort et ont cessé d'émettre ce jour-là: Radio Quisqueya, Radio Métropole, Radio Vision 2000, Radio Signal FM, et Radio Caraïbes. Cette dernière devait suspendre pendant plusieurs jours ses émissions.

Les Sièges des Partis politiques


- Le siège national de l'OPL (Organisation du Peuple en lutte), originellement Organisation Politique Lavalas) fondée en 1991, Quartier-Général de la Convergence, a été pillé et incendié. Le mur et la barrière de l'entrée ont été renversés par un bulldozer du CNE. Les équipes d'assaillants ont été aussi véhiculés par la CNE. L'OPL est membre de l'Internationale socialiste, Coordinateur; Gérard Pierre Charles.
NB. Une maison attenante a été aussi pillée et incendiée.


- Le Local du Konakom, (Comité National du Congrès des Mouvements Démocratiques) membre de la Convergence et de l'Internationale Socialiste --Coordonnateur Victor Benoît-- a été pillé et incendié.


- Le local de la KID (Confédération Unité Démocratique), membre de la Convergence, coordonnateur :Evans Paul (Konpè Plim) mis à sac et incendié.


NB. C'est la 3e fois que le local de la KID a été dévasté : en 1991 (deux mois avant le coup d'état), et en avril 2000.


- Le local de l'ALAH (Alliance pour la Libération et l’Avancement d’Haïti) membre de la Convergence qui est aussi le cabinet d'études de Me Reynold Georges, son coordonateur, a été incendié.
Les maisons familiales des dirigeants de la Convergence.


- La résidence du professeur Victor Benoît située à Bon Repos, dans la banlieue nord de Port-au-Prince, a été pillée et incendiée (voir détails dans le témoignage plus loin).


- La résidence du professeur Gérard Pierre Charles, située au Morne Hercule à Pétion-Ville a été pillée. La salle de la bibliothèque a été incendiée avec un cocktail Molotov. La maison a été assiégée en fin de matinée par des membres de la CIMO (Corps d’intervention et de maintient de l’ordre) et par des civils armés transportés en véhicules de la CNE (Compagnie nationale d’équipements - entreprise publique).
Dans les deux cas des officiels ont été reconnus, des véhicules ont été identifiés (voir témoignage plus bas).
Centres culturels


- Le CRESFED, Centre de formation, de recherche et de documentation, membre de la Plateforme des Droits Humains, dirigé par Suzy Castor, professeur universitaire, historienne de formation, fondé en 1986, a été attaqué, incendié et pillé (voir témoignage plus loin).


- La villa appartenant à l’État français et abritant les locaux administratifs de l'Institut Français d’Haïti, voisin du local de Konakom, a été pillé.

LES TÉMOIGNAGES

 

Un témoin sur le Champ-de-Mars

Très tôt à l'aube, j'ai entendu parler d'un coup d'État.

Des véhicules, portant des inscriptions "Cité-Solel 1, 2, 3, Delmas, arrivent et exécutent des patrouilles autour du Palais. Un peu plus tard des journalistes sont entrés dans l'enceinte du Palais. Ils ont dit avoir vu un mort. On leur a dit que les assaillants sont en fuite et que des policiers "spécialisés" sont partis à leur recherche du coté du Morne-à-Cabrit.
Aux environs de 10:00am, il y eut des tirs nourris du côté du palais. Il est bruit que quelqu'un aurait tiré sur la foule. On voit un homme courir et une foule qui le poursuit. Quelques instants plus tard, j'ai vu quelqu'un brandir un avant-bras…J'ai aperçu le député Ernest Vilsaint avec des manifestants.. Il s'est rendu au palais avec quelques "chimères". Autour de moi, des groupes discutent d'aller incendier les locaux des partis de l'opposition.

Parlant de la Convergence : "Pa ka gen de palè" (Il ne saurait y avoir deux palais). Certains s'opposent à ce qu'on touche à l'école de Gérard Gourgues : «Se sèl si nou ta jwenn ak Jera Goug" (Si on pouvait attraper Gérard Gourgues lui-même….)

Je dois dire que j'étais choqué de voir distribuer des armes à des jeunes, presque des en-fants ayant l'apparence de chimères; sales, négligés, en «bout de shorts», sandales, ban-deaux autour de la tête. Certains avaient des cagoules avec des trous pour les yeux et la bouche. Des véhicules Téléco et "Services de l'État" étaient conduits par des chauffeurs portant les mêmes cagoules. Jusquà 5:00pm on pouvait les voir circuler en ville.
J'ai vu le sénateur (contesté) Toussaint qui était dans la foule donnant des ordres. Il était à coté de Ronald Kadav. Celui-ci est parti. Plus tard, il y eut une rumeur selon laquelle son véhicule serait tombé en panne à la hauteur du Morne Lazare sur la route de Bourdon / Pétion-Ville. Pendant tout le temps où j'étais là, jusque vers 1:00pm, je n'ai pas vu intervenir les CIMO qui se trouvent à l'immeubre "Anti-Gang" face à la DGI. Ils ont répondu aux chimères qui les interpellaient qu'ils n'avaient reçu aucun ordre et qu'ils ne bougeraient pas. Quand je suis parti, vers 1:00pm, il y avait beaucoup de monde sur la place.


Témoignage de Chavannes Jean-Baptiste


Le lundi 17 décembre, un groupe de "chimères" est arrivé dans deux camions avec des jerricanes d'essence devant le local du MPP (Mouvement Paysan Papaye) à Hinche. De nombreux militants et sympathisants avertis de ce qui se préparait, s'étaient massés dans la cour. Leur présence et détermination ont déconcerté les assaillants à leur arrivée et ceux-ci ont décidé de rebrousser chemin en prenant soin de couper les cables de téléphone qui désservent la fondation qui se trouve depuis lors privée de communication.

Témoignage de résidents de Martissant-Fontamara

Le dimanche 16 décembre, aux environs de 7:30 pm, des résidents de Martissant-Fontamara qui regagnaient leur domicile, ont dû négocier leur passage en plusieurs fois avec des groupes occupés à installer des barricades en divers points de ces quartiers. Surpris de se trouver face à cette situation que rien ne laissait prévoir, la journée du dimanche s'étant écoulée sans incident particulier, ces personnes essayèrent de s'enquérir des raisons de ces préparatifs. La réponse fut laconique: " N ap kite nou pase, pas poze kesyion, antre lakay nou…" (On vous laisse passer, rentrez chez vous sans poser de questions.).

Un éducateur des Gonaïves

Au cours de la journée du dimanche 16 décembre une série de festivités, réunions, avait eté organisées par le gouvernement qui à cette occasion avait procédé à la distribution de Gdes 15.000 aux tenancières de restaurants populaires, dans le cadre du programme du Ministère à la Condition Féminine.

Aux environs de 9h du soir des «autorités» venues de Port-au-Prince distribuent armes, munitions, argent, aux dirigeants des groupes de base. Le délégué Kenaz Jean Baptiste St. Pierre, le maire Stephen Moise et le maire-adjoint Beauvoir Ulysse sont présents. Vers 4h am on observe des véhicules de la PNH et de la Mairie qui transportent des pneus usagés et des barricades sont érigées.

À 8:30 am, le délégué Kenaz J.B. St. Pierre annonce la fermeture des écoles, commerce et industrie.
À 9:30 am, la maison du Rev. Luc Mésadieu (MOCHRENA) à Gattereau, entrée nord de la ville, est incendiée. Le groupe s'empare de deux personnes et leur fait subir le supplice du collier. Une des victimes était un agent de sécurité connu sous le nom de Ramy, l'autre n'a pu être identifié
.

DEVOIR DE MÉMOIRE - 17 Décembre 2001 : Le Cyclone Lavalas balayait le pays d'Haïti

À 11:20 am, on apprend que l'école Manassé du Rev. Sylvio Dieudonné à Bigot, entrée Ouest de la ville, a également été incendiée.
À 11:35 am, la résidence privée du Rév Sylvio Dieudonné est investie et brûlée. Parmi les assaillants se trouvaient: un chef de bande connu Amyot Métayer (Cubain) le maire Stephen Moïse (Topa), le maire-adjoint Beauvoir Ulysse, Gracia Joseph (Tot) coordonateur de Fanmi Lavalas, administrateur local de l'APN, et William Joseph également de l'APN, coordonateur de Organisation Démocratique de Raboteau (OPDR).
À 12:30 pm, le même groupe incendie la maison de Anorès Difficile sympatisant de la Convergence Démocratique A partir de 2h pm les manifestants ont fêté et dîné dans les restaurants populaires qui avaient reçu l'argent du Ministère de la Condition Féminine.
Pendant que ces événements se déroulaient, la Police est restée cantonnée au commissariat départemental de l'Artibonite.

Déclarations pour la presse de Jessie Benoit,
le mercredi 19 décembre 2001
Moi, Jessie Ewald Benoit, épouse de Victor Benoit, coordonnateur du KONAKOM et dirigeant de la Convergence Démocratique, certifie et atteste que :
1. Le lundi 17 décembre 2001, à 12 :00 AM (midi), un commando de mercenaires agissant au nom de Lavalas a débarqué en notre résidence située à Lilavois. Quatre (4) véhicules chargés d'hommes lourdement armés:
- une Toyota Four Runner de couleur noire sans plaque d'immatriculation;
- une Nissan Patrole blanche officielle, immatriculée au No 0824;
- une Toyota double cabine sans plaque;
- une Toyota RAV4 de couleur marron
Ce commando avait pour mission d'assassiner en plus de Victor Benoit, tout être vivant (humains et animaux) se trouvant sur les lieux. Nous étions tous présents, Victor Benoît et moi, ainsi que trois (3) parents adultes et quatre (4) adolescents quand ils ont débarqué.
Après avoir semé la panique chez nos proches voisins, nos assassins ont investi la cour de la maison. Ils ont incendié la maison pièce par pièce en mettant particulièrement l'accent sur les espaces fermés. Nous avons eu la vie sauve grâce à la chaîne de solidarité qui a été organisée spontanément par les habitants de Lilavois.
2.- J'accuse la Police Nationale d'Haïti et particulièrement le Commissariat de Bon Repos, pour NON ASSISTANCE A PERSONNE EN DANGER.
J'accuse Lavalas de tentative d'assassinat sur ma personne et celle de mon mari Victor Benoit et les membres de notre famille qui étaient dans la maison avec nous.
3.- Je dis à l'ensemble de la population haïtienne : Hier c'était la Presse avec Jean Dominique, Brignol Lindor. Aujourd'hui c'est la Convergence Démocratique avec Victor Benoit, Gérard Pierre Charles et d'autres dirigeants et membres de la Convergence; Demain ce sera l'ensemble des secteurs de la société haïtienne qui luttent pour une société libre et démocratique.
En avant tous, n'ayons pas peur, serrons-nous les coudes pour ce grand faisceau qui doit barrer la routeà la dictature.
TET ANSANM TET ANPLAS NAP CHANJE SA
Jessie Ewald Benoit


Témoignage de Suzy Castor : la résidence de Suzy Castor et de Gérard Pierre-Charles mise à sac


Le lundi 17 décembre, Suzy Castor écoutait les nouvelles du matin dans la résidence où elle vit avec sa famille, à Pétion-Ville, au Morne Hercule, lorsqu'elle reçut l'appel d'un ami insistant pour qu'elle quitte immédiatement sa demeure. Il venait d'apprendre qu'un groupe armé, se dirigeait vers la maison probablement pour l'incendier. Sans rien emporter, Suzy Castor s'enfuit avec ses trois petits-enfants pour se réfugier chez des amis.
Il est 9.30 AM. Une demi-heure plus tard, le groupe d'assaillants, évalué à une centaine de personnes, arrivait dans la rue Charlemagne Péralte, qu'il arpenta de haut en bas avant de pouvoir identifier la maison. Cette troupe, parmi laquelle on ne pouvait ne pas remarquer des enfants et des adolescents, était armée de fusils, revolvers, machettes, piques. Ils se sont massés devant la maison et se sont mis à envoyer des pierres. Quelques policiers arrivent alors, au nombre de 5 ou 6, se placent en retrait des assaillants et assistent sans intervenir aux tentatives de destruction du mur d'enceinte.
C'est à ce moment que les hommes de sécurité, à l'intérieur, tirent en l'air pour disperser le groupe. Alors, les attaquants demandent du renfort: les appels sur radio ont été entendus par plusieurs témoins. Très rapidement, 2 camions de la CNE et autres pick-ups de la police, dont un marqué "Cité-Soleil", arrivent et débarquent des hommes en civil, armés certains, de fusils mitrailleurs.
Les habitants de la maison, dont la fille de Suzy Castor, abandonnent les lieux, en passant par-dessus le mur arrière du jardin. C’est à ce moment qu'arrive une équipe de CIMO.
Les assaillants essaient de forcer la barrière. Ayant réussi à pénétrer dans la cour, ils mettent le feu aux deux véhicules qui s'y trouvent en criant : «yo pa gen jan pou yo soti, nap pran yo, nap rache yo youn pa youn».Constatant que personne ne sortait, ils entrent chez les voisins à la recherche des occupants en fuite. Utilisant un cocktail Molotov, ils incendient une des pièces principales.
Selon plusieurs témoignages, au cours des évènements, le sénateur Prince Sonson Pierre, le magistrat de Pétion-Ville, Sully Guerrier et le député Felito Doran étaient présents et observaient le déroulement de l'opération. Tout ceci se passe sans que, ni les policiers, ni les agents du CIMO n'interviennent pour contrôler ou retenir les assaillants afin d'empêcher le pire.
Suite à plusieurs appels d'amis et autres citoyens alarmés, les pompiers arrivent. Une première fois sans eau. Finalement ils réussissent à contrôler l'incendie. Aussitôt après, vers 4.30 PM, la maison est livrée au pillage. Tout a été emporté ou détruit. Des spectateurs qui ont essayé de protester ou de s'interposer ont été malmenés et frappés.
Plusieurs témoins ont vu les pillards monter dans les véhicules de la Police avec leur butin. Cependant, aux personnes venues s'enquérir, le Commissariat de Pétion-Ville, a déclaré ignorer cela.
NB.- Ce lundi 17 décembre, le professeur Gérard Pierre Charles était à Miami où il assistait à un séminaire sur les partis politiques, organisé par l'OEA.


Témoignage de Suzy Castor : La destruction du CRESFED


Le lundi 17 décembre, vers 1h PM, un groupe d'individus, la plupart très jeunes, presque des enfants, armés de fusils, se dirige vers le local du CRESFED, 10, rue Jean-Baptiste, au Canapé-Vert. De toute évidence, ils ne connaissent pas l'adresse, car ils passent devant le local sans le reconnaître et questionnent les habitants du quartier afin d'identifier la maison.
L'unique gardien s'étant mis à couvert, à l'approche de la troupe, celle-ci pénètre sans difficulté dans la cour principale. Deux camions de police accompagnaient le groupe et assistent au pillage et à l'incendie. On a également remarqué la présence du délégué de Ville pour le Canapé-Vert, Analès Obas. La mise à sac est totale. Le feu est mis pièce par pièce. Ce qui ne peut être emporté est détruit, incendié. Par exemple, tout l'équipement d'imprimerie et des émetteurs devant servir pour une radio éducative. Les W.C. ont été remplis avec des exemplaires de la Constitution, et un grand nombre d'ouvrages a été systématiquement brûlé. L'immeuble lui-même est vandalisé : céramiques, portes, fenêtres, climatiseurs, fers forgés.
Le chien de garde du CRESFED a été, selon les témoignages, arrosé d'essence et brûlé vif.
Dans la journée du mardi, on trouvait déjà en vente sur les trottoirs de la Capitale des exemplaires épars des collections spécialisées du CRESFED. Il faut noter que des archives précieuses sur l'histoire politique et syndicale du pays ont été détruites, ainsi que des collections de périodiques clandestins sous Duvalier . C'est une partie de la mémoire du peuple haïtien qui a ainsi disparu.

À suivre

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